Comment le non coté est devenu incontournable dans la gestion française

Par Aurélie Fardeau, Les Echos - Publié le 18 mai 2021 à 12:00 Mis à jour le 18 mai 2021 à 12:06

Difficile, pour la gestion française, de décrocher des produits de taux. Cela résulte tant des besoins des investisseurs institutionnels, essentiellement des assureurs, que des incitations publiques qui ont orienté l'épargne des clients privés. « C'est lié au modèle social français, résume Thomas Valli, directeur des études économiques à l'Association française de la gestion financière (AFG). Dans les pays où la retraite par capitalisation est plus développée, la part d'actions dans les patrimoines est bien plus élevée. »

Malgré cela, l'affectation des capitaux s'est modifiée au cours des dix dernières années. La crise financière de 2008 a contraint les banques à réduire certaines activités de crédit aux entreprises, laissant de la place aux acteurs de la gestion d'actifs.

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« Volonté du régulateur, du législateur et du politique »

« Il y a eu une volonté du régulateur, du législateur et du politique d'augmenter le financement des PME par les sociétés de gestion en leur donnant accès à des capitaux qu'elles n'avaient pas avant et en créant de nouveaux véhicules d'investissement », relate Sarah Kressmann-Floquet, associée chez PwC France et Maghreb. Par ailleurs, la baisse des taux a conduit les investisseurs à se diversifier pour retrouver de la performance.

En découle une baisse des investissements obligataires chez les institutionnels français. Ils représentaient 73 % de leurs 2.760 milliards d'euros d'actifs en 2020, contre 76 % en 2010 (pour un encours total de 1.780 milliards), indique le cabinet de conseil Indefi.

La décrue est lente. Au sein de la poche obligataire, la part des titres souverains a perdu 7 points, mais représente encore 46 %. « Les assureurs n'ont pas d'autre choix que de garder un large volant d'obligations, notamment souveraines, car c'est le seul marché qui offre le volume et la duration suffisante pour adosser leur passif », rappelle Richard Bruyère, associé au sein d'Indefi.

En parallèle, la part des actions a baissé, pénalisée par la réglementation Solvabilité II. La demande de capitaux s'est aussi réduite. « Hier, le financement sur les marchés cotés était la règle pour les entreprises, souligne Eric Pinon, président de l'AFG. Mais les entreprises ont peu à peu abandonné la cotation à cause de sa lourdeur et parce qu'une nouvelle offre de financement non coté est apparue. »

Les deux volets historiques de la gestion ont laissé de la place pour un troisième pan, celui de la finance privée. A l'échelle des fonds ouverts domiciliés en France, la part de l'immobilier, du capital-investissement et autres fonds de fonds alternatifs a triplé en dix ans, atteignant 684 milliards d'euros en 2020, montrent les chiffres de l'AFG.

Suivi des risques « insatisfaisant »

Chez les institutionnels, les investissements non cotés (immobilier, infrastructures et private equity) ont crû de 9 % en moyenne chaque année, deux fois plus vite que les encours totaux. Ils atteignaient 244 milliards d'euros en 2020, contre 106 milliards en 2010, selon Indefi. « Quant à la dette privée, quasi inexistante au début de la décennie, elle représente aujourd'hui 3 % des encours obligataires et elle devrait encore gonfler avec le programme de prêts participatifs voulu par Bercy », ajoute Richard Bruyère.

Du côté des gérants d'actifs, ces activités sont aussi un bon moyen de se positionner sur des activités plus rentables alors que la pression sur les marges s'est accrue. « On voit énormément de sociétés de gestion qui créent ou recréent une activité de private equity », note Sarah Kressmann-Floquet.

Si la finance privée « joue un rôle croissant dans le financement de l'économie », comme l'indique l'Autorité des marchés financiers dans sa « Cartographie 2020 des marchés et des risques », le régulateur souligne aussi que le suivi de l'activité et des risques « reste insatisfaisant ». Un sujet d'autant plus crucial que ces produits se distillent vers le grand public .