Greenwashing : les placements responsables sous haute surveillance

Par Camille Prigent, Les Echos - Publié le 5 juil. 2021 à 08:00 - Mis à jour le 5 juil. 2021 à 15:33

Même en rusant, il devient de plus en plus difficile pour les acteurs de l'investissement de faire du « greenwashing », ou éco-blanchiment, c'est-à-dire de tromper leurs clients sur le caractère vraiment durable de leurs placements. Les régulateurs, européen comme français, y veillent.

En mars 2020, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a renforcé le cadre réglementaire des fonds d'investissement durables. Dans cette doctrine, le régulateur empêche la « disproportion » entre la communication commerciale des fonds et la prise en compte effective des critères extra-financiers, explique Philippe Sourlas, secrétaire général adjoint en charge de la direction de la gestion d'actifs de l'AMF : « L'objectif de la doctrine est d'éviter certaines communications trompeuses des sociétés de gestion, susceptibles d'induire l'investisseur en erreur. » Elle s'applique à tous les fonds commercialisés en France, même étrangers.

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La communication des fonds encadrée

Concrètement, l'AMF distingue trois cas de figure. Les fonds qui ne répondent à aucun critère durable ne peuvent pas communiquer sur leur action responsable dans leur documentation commerciale. Ceux qui font preuve d'un engagement poussé le peuvent. Dans ce cas, l'AMF exige que les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) soient pris en compte, et que l'engagement du fonds soit significatif et mesurable.

« Par exemple, on considérera qu'un fonds qui s'assure que son portefeuille dispose d'une note ESG moyenne supérieure ou égale à celle de son indice de référence n'a pas un engagement significatif », explique Philippe Sourlas. La doctrine de l'AMF utilise le même seuil d'engagement que celui du label ISR (investissement socialement responsable), c'est-à-dire que le portefeuille doit être au moins 20 % plus durable que son indice de référence.

Enfin, une troisième catégorie de fonds est identifiée par l'AMF : les fonds ayant une approche responsable existante, mais réduite. Dans ce cas, le régulateur les autorise à consacrer 10 % maximum du document commercial à une communication sur les critères extra-financiers. En cas de non-respect des règles, il peut les sanctionner. Une finalité rarement nécessaire : « Les acteurs financiers ont particulièrement à coeur de prendre en compte nos attentes, car le risque de réputation est assez fort », souligne Philippe Sourlas.

Une lutte à l'échelle européenne

A l'échelle européenne, la réglementation mise aussi sur la transparence pour lutter contre les pratiques de greenwashing. Le règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), par exemple, oblige les sociétés de gestion à expliciter les stratégies durables de chacun de leurs fonds. Son cousin CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), fait de même pour les entreprises européennes, qui sont désormais soumises à des obligations de reporting renforcées.

La réglementation a néanmoins ses propres failles : la publication des premiers textes relatifs à la taxonomie, le gigantesque chantier de classification européenne des activités durables, a mis les ONG environnementales en émoi. La pression de certains Etats a en effet conduit la Commission à revoir à la baisse ses exigences en matière de gestion durable des forêts et de bioénergie, tandis que le sort du gaz et du nucléaire n'a toujours pas été tranché.

Le texte « ne parvient pas à établir des critères de durabilité véritablement fondés sur la science et […] tourne même vers le greenwashing, en adoptant des exigences extrêmement faibles en matière de bioénergie et en laissant la porte ouverte au gaz fossile et au nucléaire », s'inquiétait l'ONG Reclaim Finance au mois d'avril. Le risque, selon les ONG ? Que la taxonomie perde en crédibilité et soit accusée de greenwashing pour avoir cédé sur une poignée d'activités, alors que le reste du texte affiche une grande ambition. Un cri d'alerte qui nous rappelle que lutter contre l'éco-blanchiment est un combat de tout instant.